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Sujet de discussion



Progresser en Escalade
Commentaires
toxic
Tout d'abord, pourquoi progresser en escalade ? Tous grimpeurs (ou ceux qui souhaitent le devenir) doivent progresser (c'est presque une obligation) pour la principale raison qu'est « l'autonomie ». Pour comprendre cela, utilisons une analogie : le débutant en escalade, est comme un petit enfant, il ne sait pas marcher, ne sait pas parler, ne connaît pas ce qui est dangereux ou pas, il est également dans un monde qui peut lui faire peur, mais qui l'attire et qu'il souhaite comprendre. Le rôle des parents (et plus tard des enseignants) et d'amener l'enfant à devenir autonome. En escalade, c'est exactement la même chose : le débutant ne sait pas grimper, ne connaît pas le vocabulaire, n'a pas de notions des choses auquel il faut faire attention, ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas, et il a peur des milieux (verticaux) qui sont impressionnants. Le rôle des grimpeurs expérimenté et d'apprendre aux débutants à devenir autonome.



Dans les petites classes, l'enfant n'a pas le choix de ce qu'il a à apprendre, il doit savoir le minimum de ce que la société impose comme connaissances minimums. Ce processus est également présent en escalade, en effet, on apprend tout de suite à un débutant à s'encorder avec un nœud en 8, assurer un partenaire et éventuellement plus tard à grimper en tête et savoir redescendre en moulinette sur un relais spécifique.

Passé le cap des matières imposées, l'enfant a le choix dans ses enseignements, les enseignants sont moins présents et ils doivent travailler par eux-mêmes pour réussir et progresser afin de terminer leur éducation. Dans notre système d'éducation actuel, il n'y a pas trop de choix, l'enfant doit arriver à maturité, il reste en quelque sorte « forcé » à acquérir des compétences. En escalade, une fois les compétences de base acquises, le grimpeur est libre de grimper comme il veut, quitte à ne pas toujours prendre les bons choix et à stagner dans sa pratique. C'est en quelques sortes comme s'il était dans un système scolaire ou les élèves passent de la 5e à une classe à l'organisation universitaire : il est lâché dans la nature et c'est à lui de se prendre en main pour acquérir des connaissances. D'une certaine manière, cela rend la progression beaucoup difficile !



Je pense que pour qu'un grimpeur puisse s'épanouir pleinement dans sa pratique, il doit progresser sur deux points :

•Le niveau technique d'utilisation du matériel : savoir assurer dynamique, grimper en tête, savoir faire un relais, une réchap, un rappel, une remontée sur corde, etc... N'oublions pas le bloc, ou il faut savoir parer un grimpeur et savoir ce qu'il est possible de faire (ou pas) en bloc.


•Le niveau de difficulté des voies qu'il est capable de grimper.




Progresser sur ces deux points permet de varier considérablement sa pratique de l'escalade sur les différents types de terrain (bloc, voies, grandes voies), mais également dans des voies qui sont magnifiques, de par les gestuelles et l'ambiance qu'elles proposent.

Après un petit calcul, on arrive au tableau suivant :







Niveau de difficulté

Pourcentage des voies de ce niveau


3,4,5

13 %


6

34 %


7

39 %


8,9

14 %


Tableau 1 : Répartition des voies par difficulté (calcul effectué sur un échantillon de 1343 voies réparties sur plusieurs sites).

La conclusion est immédiate : si l'on veut avoir le choix de faire les plus de belles voies, il est préférable d'avoir un niveau 6/7, car c'est dans ces niveaux qu'il y a le plus de voies !

(L'argument qui consiste à dire que c'est politique de n'ouvrir que des voies dures est généralement faux à mon avis, c'est juste que le niveau moyen trouvé dans la nature est le 6/7. C'est donc naturellement des voies de ce niveau que l'on va avoir tendance à ouvrir!)

(Pour ceux qui ont l’esprit mathématique : bien que je n'ai pas fait de calculs vraiment poussés, je suis certain que si l'on fait la statistique des voies par niveau, on trouve une gaussienne centrée sur le 7a).

En ce qui concerne le type d'escalade, il est plus difficile de quantifier la répartition bloc/voie/grandes voies, mais quand l'on sait que dans la forêt de Fontainebleau, il existe plusieurs milliers de passages, et qu'il y en a tout autant en grande voie dans le Verdon... On voit tout de suite que, quel que soit le support, il y a de quoi s'amuser !

En ce qui concerne l’entraînement des techniques de sécurité, c'est le plus simple, un bon bouquin ou les fiches d'utilisation petzl vous donneront toutes les informations nécessaires ! Enfin, le mieux, c'est de demander un coup de main à un grimpeur plus expérimenté et de prendre quelques minutes pour apprendre ou revoir telle ou telle manip, après quelques répétitions, elle est plus ou moins acquise, il faut alors faire le nécessaire pour savoir la faire en toute circonstance... cela ne demande pas de gros efforts.



Pour l’entraînement physique et technique.... c'est une autre histoire ! Afin de passer en revue toutes les étapes et aspects de l’entraînement à prendre en compte, donnons-nous un fil conducteur et considérons un grimpeur qui reste bloqué à un niveau depuis un certain temps et qui voudrait passer à un niveau supérieur. Parfois nous allons devoir analyser plusieurs cas, par exemple le niveau actuel du grimpeur (5,6,7...) peut apporter quelques variantes à l’entraînement, mais dans l'ensemble, il y a quelques principes qui restent constants.

•Premièrement, pour progresser, il faut grimper, le plus souvent possible et faire en sorte d'être une "épave échouée au bout d'une corde" à la fin de la séance. Pour ceux de niveau, 5/6 une à deux fois par semaine est un bon rythme, pour le 7, deux à trois fois par semaine c'est mieux. À quatre ou cinq fois par semaine, il est nécessaire d'être très rigoureux dans son entraînement, il est difficile de garder le rythme sur une longue période et la blessure est vite arrivée. D'une manière générale, le corps « apprend » le mieux quand on est physiquement proche de sa limite. C'est toujours à la fin d'un exercice, que l'on commence à être bien fatigué - mais que l'on continue quand même - que les muscles s'améliorent et que l'on va être obligé de trouver des PMR (positions de moindre effort) afin de s'économiser au maximum. Il est important également de grimper très régulièrement dans un niveau de difficulté à sa limite ou proche de sa limite, car la gestuelle évolue d'un niveau à l'autre et il est important d'avoir l'habitude de faire des mouvements difficiles (par rapport à son niveau bien entendu !) pour pouvoir les faire en toute sérénité.


•Il est également préférable de ne pas tomber dans certains pièges. Le plus important est certainement celui de l’entraînement physique. Naturellement, il est important d'avoir un minimum de capacité physique pour pouvoir bien grimper, mais la plupart du temps, les grimpeurs se retrouvant devant l'échec l'explique par leur manque de force, or cela est faux les ¾ du temps. Parfois, un peu plus de souplesse rendrait les choses beaucoup plus agréables, mais le plus souvent, c'est un manque de technique qui est la source du problème. Par exemple la grimpeuse américaine Audrey Sniezek âgée de 42 ans a fait ses deux premiers 8c cette année et elle n'est pas capable de faire une traction ! Elle compense son manque de force par de la technique et ça marche super bien ! Comment gagner en technique ?

?Grimper le plus possible, dans des styles variés, de préférence en falaise, car c'est dans ce milieu qu'il y a un véritable enjeu de lecture de l'itinéraire et que les prises de pieds sont suffisamment petites et techniques.


?Regarder et analyser la gestuelle de grimpeurs de haut niveau, aujourd'hui avec les vidéos c'est très facile. Il est important de noter la position des pieds, du bassin, de comment sont fait les mouvements dynamiques, de la position des doigts sur les prises.... L'étape suivante et de refaire ces nouveaux mouvements, mais pas nécessairement dans des voies extrêmes. Par exemple, les talons sont parfois très utiles dans des voies en 6a avec du relief ! Les 90 % des mouvements sont effectuables par la majorité des grimpeurs dans des niveaux de difficulté abordables.


?Ne pas hésiter à faire des mouvements, même les plus fous.... Dans un parfait malentendu, ça peut passer, et même carrément mieux qu'avec des mouvements conventionnels.


?N'oubliez pas, quand il n'y a plus de prises, montez les pieds, la plupart du temps 5 à 10 cm sont nécessaires !



•Maintenant qu'on à la technique, parfois c'est le physique qui est en retrait... Alors que faire pour être plus fort ?

?La poutre ou la barre à traction... c'est bien, mais pas de trop. Si vous arrivez à faire 2 ou 3 tractions (des vraies, en partant complètement relâché au niveau des épaules ;) ) c'est bien, 10 c'est l'idéale, mais encore une fois, ce n'est pas en faisant des tractions qu'on apprend à grimper... donc à consommer avec modération !


?En falaise, les voies sont longues, contrairement à la salle... C'est donc bien difficile d'arriver au sommet de la falaise à la fin du break hivernal ! Pour cela il y a une astuce très simple : à la salle, choisissez un secteur et escaladez puis désescalade les voies de sorte à faire entre 30 et 40m d'escalade sans interruption. Certaines sections doivent être dures ! Par exemple pour une personne de niveau 7a max, un bon enchaînement est : 6a, 6a, 6c, 5c ou bien 6b, 5c, 6c, 6a.... D'une manière générale, il est préférable de faire les voies dures à la montée et les plus faciles à la descente ! Avec ce type d’entraînement, il est facile d'avoir un très gros volume d'escalade en quelques heures. Par exemple, en 3h, il est tout à fait possible d'effectuer entre 200 et 300m d'escalade cumulée, dans une SAE !


?Pour gagner en force dans les doigts, faire du pan de Gullich ou faire des suspensions sur une poutre se montre payant. Pour les suspensions, trouvez la plus petite réglette que vous arrivez à tenir. Effectuez entre 8 et 10 secondes de suspension sur cette réglette (si vous pouvez tenir plus longtemps, c'est qu'elle n'est pas assez petite !) Faites des pauses de 20 à 30s entre chaque série. Arrêtez quand vous n’êtes plus capable de tenir plus de 5 secondes (généralement entre 5 et 8 séries)


?Un de mes exercices perso pour gagner en force est ce que j'appelle la traction à doigts. Pour cela il faut avoir des petits haltères à une main. Pour cet exercice, asseyez-vous sur une chaise, prenez un haltère dans une main que vous tenez bras tendu vers le bas entre vos 2 jambes. Faites en sorte de tenir l'haltère sur le bout de vos doigts (avec la dernière phalange) puis « tractez » de sorte à fermer votre main et à faire venir l'haltère dans votre paume. Ensuite, desserrez votre main afin de revenir en position initiale. Effectuez entre 15 et 25 répétitions puis effectuez 20 secondes de suspension de l'haltère en bout de doigts. Une fois terminé, changez de mains et recommencez 5 fois. À la fin de l'exercice, vous pouvez aller vous coucher:) ! Attention de ne pas prendre des haltères trop lourds au début, inutile de vouloir commencer avec plus de 10 kg. De plus, si vous commencez à avoir des douleurs aux doigts ou dans la paume, arrêtez l'exercice, vous risquez une tendinite ! (cela est vrai aussi pour tous les exercices sur poutre).


?Terminons avec l’entraînement physique le plus important, celui qui est le plus souvent ignoré et qu'il faut faire tous les jours ou presque... la souplesse ! En augmentant votre souplesse, vous augmenterez facilement votre technicité, vous grimperez beaucoup plus avec vos pieds, vous prendrez des repos dans les cruxs des voies en dalles... et vous gagnerez un petit + dans vos cotations beaucoup plus rapidement qu'avec n'importe quel exercice de force ! Alors inutile de savoir le grand écart, le plus utile c'est la position de la grenouille. Pour cela, pas de miracle, il faut effectuer la position de la grenouille ou celle du papillon. Faire de la souplesse 10 à 30 mins par jours, avec un bon livre pour passer le temps.... ça marche !





•Passons à l'entrainement mental. Le mental, c'est 1/3 de ce qu’il est nécessaire d'avoir pour enchaîner une voie. Alors bien entendu, je vais ouvrir une porte ouverte : pour avoir un bon mental, il faut grimper en tête ! Alors oui, ça, vous le savez, et vous savez pertinemment que vous avez peur de la chute, donc ça ne passe pas ! Nous arrivons alors au point le plus important pour passer le cap du5c/6a à celui du 6b et plus : la chute est nécessaire pour progresser en escalade et grimper en tête dans toutes les voies, même celles de son niveau maximum constituent la plus importante (et de loin) étape vers l'autonomie en escalade. Je considère qu'un grimpeur est autonome quand il s'aventure en tête dans plus de 95 % des voies qu'il grimpe. Ainsi, certains grimpeurs de niveau modeste (5c/6a) sont bien plus autonomes que certains autres de niveau plus élevé (6b/6c). Ce cas de figure se retrouve régulièrement chez les grimpeurs « de salle ». Contourner sa peur de la chute est possible, j'ai un ami qui avait le vertige étant enfant (le vrai vertige, celui qui paralyse à la moindre hauteur) et qui aujourd'hui grimpe régulièrement en tête dans du 6. Alors, comment faire pour s'améliorer ? Un premier exercice consiste à apprivoiser la chute dans une SAE. Pour cela, utilisez une corde posée dans un dévers dont toutes les dégaines sont mises sauf celle du relais. Grimpez sur une voie facile jusqu’ à ce que les mains touchent le relais. Votre nœud d'encordement sera alors au maximum à 50cm de la dernière dégaine, ce qui est une hauteur tout à fait raisonnable comparée aux 2/3m que l'on trouve en falaise. Quand vous vous sentez prêt, lâchez tout et appréciez le grand saut ! Refaites-le plusieurs fois avec plus ou moins de mou de corde afin de varier les situations. Cela est également un très bon exercice pour l'assureur afin de parfaire son assurage dynamique. Cela lui permet également de mieux juger quelle quantité de mou il peut laisser au grimpeur afin qu'il puisse chuter sans danger. Une fois cet exercice maîtrisé, entêtez-vous à grimper en tête dans toutes les voies de votre niveau moins une cotation (ex : si vous grimpez au maximum du 6a, faites toutes les voies en 5c en tête). Quand vous aurez pris de l'aisance, passez au 100 % en tête !


•Une autre chose importante à savoir sur le mental est quelque chose de très général sur la nature humaine : en général, l'homme à peur de l'inconnu et plus il vieillit, plus ce phénomène s’accentue. Ainsi, le grimpeur a tendance à s'installer dans ses petites habitudes, à refaire toujours les mêmes voies qu'il arrive à faire et à se satisfaire de ses propres succès passés. Cet état d'esprit est contraire à la progression en escalade. Pour progresser, il faut toujours voir plus haut, travailler ses faiblesses, changer, faire du nouveau. Naturellement, il est important de faire/refaire les voies que l'on aime afin de garder sa motivation, mais attention de ne pas s'installer dans une routine qui n'apporte rien de nouveau à sa pratique. La progression en escalade et un cercle vertueux (rapidement cassé), pour progresser, il faut varier ses escalades, et pour cela, il est nécessaire de progresser !


•Avant de conclure, j'ajouterai que l'escalade est un sport ingrat. Les plus forts grimpeurs ne sont pas des grimpeurs qui réussissent, ce sont des grimpeurs qui échouent, inlassablement, et dont la hauteur cumulée de leurs chutes est sans doute égale ou supérieure à la hauteur cumulée des voies qu'ils ont grimpé ! L'échec est donc l'habitude et la réussite l’exception. Par exemple, prenons l'exemple de Chris Sharma qui a fait une centaine d'essais pour réussir Jumbo Love (9b) ou bien le grimpeur
Maurizio Zanolla qui enchaîna le 9a «Roby Present » à 54 ans... le projet de toute une vie !




Pour conclure, grimpez beaucoup, pensez à vos pieds et vos positions d'équilibres, c'est le plus important, essayer des choses dures : ce n'est pas en réussissant inlassablement des choses faciles que l'on apprend !




le 16-06-2015 à 19H 56
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